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05/11/2011

Rapport pour le synode de la région Languedoc-Cévennes

Notre adhésion à la Communion mondiale d’Églises réformées : une méthode de travail autour de la notion de « communion »

En affirmant dans son rapport que la question de l'adhésion de l'Union nationale à la Communion mondiale d’Églises réformées (CMER) est plus complexe qu'il n'y paraît, le pasteur Jean-Raymond Stauffacher risque de décourager les délégués synodaux laïcs et pasteurs de se saisir de cette question qui, il faut bien le dire, semble quelque peu éloignée des préoccupations concrètes des fidèles. Or, si la question paraît complexe, c'est peut-être que nous l'abordons sous un angle qui n'est pas le meilleur. En parcourant le blog dédié à notre réflexion commune, on peut se rendre compte que nous avons une tendance à fonctionner en termes d'opposition ou de conditions à remplir.


Ainsi, il y aurait d'une part l'Alliance réformée mondiale (ARM), les affreux pluralistes qui fricotent avec le Conseil œcuménique des Eglises (COE), et d'autre part le candide Conseil œcuménique (sic) réformé (COR), pas si candide que cela car en s'élargissant au fil des années, les Eglises vraiment fidèles aux confessions de foi réformées en seraient sorties. Une autre opposition est mise en avant : le « désir d'unité » contre la « fidélité à l’Évangile », oubliant un peu vite que le désir d'unité est peut-être avant tout un devoir d'unité, qu'il convient de ne pas opposer au devoir de fidélité, mais qu'il faut tenir ensemble.

De mêmes impasses se profilent lorsque certains parmi nous évoquent des conditions préalables à notre adhésion à la CMER. Il faudrait, selon eux, que les différences doctrinales soient estompées, c'est à dire, clairement, soit que tous les réformés du monde deviennent des réformés évangéliques, soit que nous renions la fidélité de nos pères. Il faudrait, de plus, que les conceptions du témoignage évangélique ne se différencient plus. Or, je pose la question : où sera la force du témoignage chrétien dans le monde ? Sera-ce quand le non chrétien verra face à lui une armée de clones qui ont des convictions identiques, ou quand il aura face à lui une communion d’Églises certes différentes mais qui, malgré leurs différences, auront su tisser entre elles des liens d'amour fraternel, avec toutes les exigences que comporte l'amour fraternel en terme de veille mutuelle les uns sur les autres, d'un point de vue biblique ? Il me semble que le Christ a répondu lui-même à cette question.

Pour éviter l'impasse d'une identité minoritaire qui se construit en opposition à une majorité, et la voie de garage où l'adhésion serait un choix entre l'utopie et le parricide, il eût fallu que nous élaborassions une méthode de travail autre. Comme le dit le pasteur Charles Nicolas, « il importe que l'on sache ce que les mots veulent dire et à quoi on s'engage, si on ne veut pas être taxés de légers ». Or, là où, pour ma part, un espoir semblait poindre, j'ai été déçu ! Comment la communion y est-elle définie ? « Une communion oblige les partis concernés à un engagement total, sans restriction, les différences qui demeurent étant regardées comme des particularités mineures, des traditions sans grande importance. Dans une communion, toute expression d'une différence est vue comme une entorse, une velléité de division. Il en est de même, d'ailleurs, avec le mot Union... » Cette définition de la communion est posée comme un axiome indiscutable, comme une vérité d'évidence qu'on ne prend même pas la peine d'argumenter, ni théologiquement, ni même historiquement (en évoquant le contexte de l'apparition du terme dans le discours des Eglises au XXe siècle) ou étymologiquement (d'autres, du coup, s'en sont chargé, mais en semblant ignorer que le concept d' « ecclésiologie de communion » repose sur le terme grec de « koinonia » et non pas sur le latin « communio »). Ainsi, nous n'avons pas eu droit au moindre chapelet de versets bibliques habituellement accumulés pour justifier d'une position qui serait d'autant plus biblique que ledit chapelet serait long. Alors, en effet, quelle légèreté !

Étant donné la situation, en tant que rapporteur désigné pour aider le synode à aborder cette question, je me range à l'avis de la Commission permanente et du pasteur Jean-Raymond Stauffacher. Il conviendrait que nous nous exprimions en faisant remonter à la Commission permanente des recommandations pour la suite de la réflexion. J'irai même personnellement un peu plus loin en proposant à la Commission permanente non pas de poursuivre la réflexion, mais de la refonder sur d'autres bases et avec une méthode de travail plus respectueuse du sérieux que l'on est en droit d'attendre d'une Union d’Églises qui prétend être réformée confessante.

Parmi les recommandations que nous pourrions faire, je propose :

− étudier le concept biblique de « koinonia »

− étudier le concept de « communion des saints » dans le symbole des apôtres, en évaluant la double traduction possible du fait que le terme « saints » peut être soit au masculin, soit au neutre.

− étudier le problème de traduction du symbole de Nicée au sujet de la phrase « Nous croyons en (grec : eis) l’Église » et la manière dont il a été résolu par Calvin et les confessions de foi réformées.

− étudier les rapports entre communion ecclésiale et communion trinitaire en théologie réformée, en lien avec la prédestination, le concept d'église invisible, et la manière réformée de comprendre le sacrement de la Cène.

− étudier la manière dont le concept de « koinonia » a été développé par le mouvement œcuménique et les différentes familles d’Églises au XXe siècle, notamment par l'assemblée de l'ARM à Camberra en 1991, dans le texte intitulé : « L'unité de l’Église comme koininia : don et vocation », et particulièrement pourquoi l'expression « koinonia » a été préférée à l'expression « communion ».

− étudier les documents de la CMER concernant la compréhension et les implications du terme « communion », notamment la constitution, les mandats-clés, et le « message de Cartigny » qui a trait aux questions de communion et de justice.

Il ne s'agit pas de refaire le monde. Toutes ces études ont déjà été faites, en tout cas par d'autres. Il s'agit de voir si l'on peut se les approprier et si elles nous paraissent compatibles avec la compréhension que nous avons des confessions de foi réformées. Par ailleurs, si je me suis concentré sur la question de la communion, c'est que cela me paraît déterminant. Il me semble que si nous comprenons la manière dont est posée la communion au sein de la CMER, tout le reste découlera naturellement.1

En revanche, je ne retiendrai pas l'idée d'entrer en dialogue avec les Eglises qui comme nous se posent la question d'entrer dans la CMER. Si l'on est frileux, on ne se réchauffera pas auprès d'autres frileux. Si l'on devait envisager un dialogue (en a-t-on les moyens ?) ce devrait être aussi bien avec des Eglises enthousiastes que des Eglises frileuses, pour se faire une opinion équilibrée. Et peut-être que si nous demandions aux Eglises réformées d'Afrique-du-Sud ce que signifie pour elles une non adhésion à la CMER, nous aurions encore un éclairage différent sur cette question. Quant aux autres instances de représentation mondiale d’Églises réformées de type professant, je ne suis pas sûr qu'il vaille même la peine de prendre le temps d'étudier la question. Si ces institutions ne nous ont pas sollicitées, c'est sans doute que nous ne sommes pas assez créationnistes ou reconstructionnistes à leur goût. Enfin, concernant la question des partenariats avec certaines missions qui œuvrent à nos côtés, il me semble que le dialogue est à privilégier quelque soient les orientations que nous prendrons. Si elles déplaisent, à nous alors de montrer que malgré ce différend, une communion reste possible !

Ceux qui, malgré l'annonce du caractère complexe du sujet, ont eu le courage de me lire jusqu'au bout, et qui du coup seraient maintenant intéressés à reprendre la réflexion, sont invités à consulter le blog où figure un petit partage biblique sur la communion dans l'épître aux Philippiens.

Pasteur Pierre-Alain Jacot

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