Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

25/10/2011

Rapport pour les synodes de novembre 2011

Unknown.jpegNous publions ci-dessous le rapport sur l’adhésion de l’UNEPREF à la Communion Mondiale d’Eglises Réformées (CMER) tel qu'il a été publié dans le B.I.L. 

Nos synodes régionaux ont demandé à la Commission Permanente (ComPer) de clarifier notre positionnement par rapport à la création, en juin 2010, de la nouvelle entité de représentation des Réformés au niveau mondial, la Communion Mondiale d’Eglises Réformées (CMER). Pour répondre à cette demande, dont la ComPer a bien compris l’importance, elle m’a chargé de consulter les pasteurs et membres de nos Eglises afin d’établir un rapport préliminaire. Celui-ci a été présenté dans sa séance du 25 juin 2011. Il se dégage de ce rapport que la question de l’adhésion à la CMER est plus complexe qu’il n’y paraît et que, selon moi, nous courrons le danger, si notre réflexion n’est pas suffisamment aboutie et préparée, d’aborder cette question sans avoir en notre possession les éléments capables de nous aider à prendre une décision éclairée et cohérente. C’est pourquoi, dans sa séance du 24 septembre, la ComPer a pris la décision de ne pas proposer un ordre du jour aux synodes régionaux de novembre 2011 mais d’ajourner le vote à une date ultérieure. Elle a également proposé qu’un rapport à la fois informatif et ouvrant sur des problématiques soit rédigé et présenté dans le B.I.L.. Pour les synodes régionaux de novembre 2011, elle propose que de courts débats aient lieu permettant ainsi aux délégués d’exprimer leurs réactions ainsi que de faire remonter à la ComPer des recommandations pour la suite de la réflexion.  


Le but de ce rapport est donc de retracer les origines et les conditions de l’adhésion de notre Union au Conseil Œcuménique Réformé (COR), d’analyser, ensuite, le contexte qui a permis à la CMER de voir le jour et, enfin, d’ouvrir des pistes sur les implications de notre adhésion à cette nouvelle entité du point de vue de notre identité spécifique. 

1. Le contexte de notre adhésion au COR

images.jpegAu lendemain de la deuxième guerre mondiale, dans une Europe dévastée et redessinée par ce long conflit, les Eglises chrétiennes dans leur ensemble vont mettre sur pied des instances de dialogue et de représentation leur permettant de tisser de nouveaux liens de communion institutionnalisée. C’est ainsi, comme le rappelle Maurice Longeiret dans son livre « Réformés&confessants, pourquoi pas ? » (pp. 151 à 156), que le Conseil Œcuménique des Eglises et, du côté évangélique, la refonte de l’Alliance évangélique sur le plan mondial voient le jour.

Du côté des Réformés, deux instances existent déjà avec l’Alliance Presbytérienne et le Conseil Congrégationaliste Mondial. Elles fusionnent en 1971 et prennent le nom d’Alliance Réformée Mondiale (ARM). Mais la sensibilité réformée confessante ne se sent pas à l’aise au sein de ces deux institutions. Elle va s’exprimer, sous l’impulsion de la Gereformeerde Kerken des Pays-Bas, en organisant une nouvelle instance, le COR, qui se formera à Grand Rapids aux USA en 1946. Elle regroupe essentiellement des Eglises en lien avec les anciennes colonies Hollandaises, à savoir certaines réformées confessantes d’Afrique du Sud ainsi que de divers pays d’Asie (Indonésie, Java, etc.), et sera par la suite rejointe par des Eglises américaines ou britanniques. 

La jeune Union des Eglises réformées évangéliques indépendantes de France (UNEREIF), en proie à d’importants problèmes financiers et à la recherche de son identité propre, est contactée par les responsables de la Gereformeerde Kerken qui les sensibilise à la question de leur adhésion au COR. Après que deux délégués de l’UNEREIF aient assisté au synode de 1949, où plusieurs contacts fructueux ont été pris, la ComPer charge le pasteur Jean Bordreuil de produire un rapport (Actes du Synode de St Ambroix, 26, 27, 28 février 1952, pp. 94-96) aboutissant à un ordre du jour positif quant à l’adhésion de notre Union à cet organisme. 

Une lecture attentive de ce rapport montre que l’essentiel de la réflexion se polarise non tant sur les conditions d’une communion intra-protestante institutionnalisée mais sur le maintien de ce que la ComPer considère comme l’essentiel de la foi calviniste de laquelle elle se réclame. Le rapporteur Bordreuil reprend la formulation avancée par le COR quand il dit que : 

« La base doctrinale biblique, calviniste est nettement et solennellement affirmée (…) en ces termes : 

« Les Saintes Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament interprétées par les Confessions de foi réformées (Confession de foi de la Rochelle, Catéchisme d’Heidelberg, Confession de Westminster, Confession des Pays-Bas et Confession Helvétique).

Les Ecritures dans leur totalité comme dans toutes leurs parties sont l’infaillible et toujours actuelle Parole du Dieu vivant de la Trinité, autorité souveraine en matière de Foi et de vie » (page 94).

Pour lui, il s’agit d’un œcuménisme vrai rendu possible par le fait que les Eglises membres du COR y adhérent sans réserve. Le pasteur Bordreuil exprime là, un positionnement fondamental de notre Union qui a justifié le refus d’entrer dans l’Eglise Réformée de France (ERF) en 1938 (voir Les Déchirements de l’unité de Maurice Longeiret). Mais l’observateur notera aussi que la notion d’identité s’accompagne d’une notion de légitimité. Aux yeux de Jean Bordreuil, comme de la plupart des réformés évangéliques « indépendants » d’alors, notre sensibilité constitue la seule et véritable sensibilité calviniste, décrite comme la « moelle » du peuple protestant authentiquement fidèle à la pensée du Réformateur Jean Calvin. 

Soulignons, que notre Union trouve là, à un moment crucial de son existence, un appui international qui vient renforcer son identité spécifique et qui, de façon non négligeable, légitime son existence propre en dehors de l’ERF. Il s’agit d’inscrire une identité réformée qui, quoique minoritaire en France, trouve des appuis solides parmi de nombreuses Eglises ailleurs dans le monde.  

Il propose l’ordre du jour suivant qui sera adopté par le synode : 

Le synode Général de l'Union Nationale des Eglises réformées évangéliques indépendantes de France, réuni à St Ambroix les 26-28 février 1952  : 

accepte avec joie l'invitation qui lui a été adressée par le synode oecuménique réformé d'Amsterdam. 

Il reconnaît dans la base biblique et calviniste du mouvement oecuménique réformé, les principes spirituels et théologiques des Eglises qu'il représente, et pour le maintien desquels ces Eglises ont combattu contre l'indifférence et l'incohérence doctrinale. 

Il prie la Commission Permanente de se mettre en rapport avec qui de droit pour réaliser pratiquement ce rattachement de notre Union Nationale au mouvement oecuménique réformé, et pour accréditer nos délégués au Synode d'Edimbourg. 

Il demande à Dieu de bénir ses nouveaux liens entre nos Eglises et les Eglises réformées fidèles à leurs origines et à Sa Parole. 

À partir de 1952, l’UNEREIF dépêchera donc, à la mesure de ses moyens, des délégués aux assemblées du COR et s’acquittera de sa cotisation de membre. Les documents produits par celui-ci seront également étudiés par la ComPer comme, parfois, en synode. Certains de ces délégués seront particulièrement attentifs aux changements intervenus dans cette institution dans le cours de ces  50 dernières années. En effet, le COR s’est considérablement élargi et l’arrivée au sein de l’organisation de nombreuses autres Eglises d’identité confessante, dont notamment les Eglises du continent africain, on fait évoluer son identité. Il en résulte qu’une assez grande pluralité s’est installée progressivement au sein du COR, même si l’ancrage confessant n’a jamais été remis en cause. 

Aujourd’hui, le COR regroupe des Eglises avec une grande variété de modèle d’organisation mais aussi de pratiques cultuelles. Certaines de ces Eglises, comme les Eglises presbytériennes d’Inde, ont été marquées par le charismatisme tandis que d’autres, comme les Eglises réformées chrétiennes en Australie, ont pris des directions marquées théologiquement puisqu’elles pratiquent aujourd’hui, par exemple, la Cène avec les enfants. D’autres, enfin, ont quitté le COR pour rejoindre l’ARM à cause de l’évolution de leur théologie ou une posture pluraliste. C’est fort de ces constats que nous abordons maintenant les enjeux autour de la création du CMER. 

2. La création de la CMER

fr-3.jpgQuand on tente de faire une synthèse de l’évolution des Eglises réformées dans le monde depuis les années 50, on attrape vite le tournis ! La mondialisation ainsi que les changements tant sociétaux qu’économiques ont profondément impacté les Eglises. Les comportements religieux aujourd’hui n’ont plus d’affinité avec ceux des années 50. Partout en Europe, la sécularisation a fait des progrès lourds en conséquences. Il faut ajouter à ce tableau la désaffection des Eglises historiques qui touche tout particulièrement les Eglises réformées en Europe dans le cadre d’un bouleversement global de la « régulation institutionnelle du croire », pour reprendre l’heureuse expression de la sociologue des religions Danièle Hervieu-Léger. 

Mais ce constat est à nuancer au regard du développement, par aspect spectaculaire, des Eglises issues des colonisations partout dans le monde. Ailleurs qu’en Europe, l’identité réformée se porte bien parfois même dans des pays où l’on ne l’attendait pas. C’est le cas, par exemple, de l’Eglise presbytérienne du Pakistan qui compte 400 000 membres et qui s’est doté depuis l’indépendance de son pays en 1947 d’institutions pérennes. Ces réformés issus de pays en voie de développement pèsent aujourd’hui lourd et savent faire entendre leur voix. Ils ont particulièrement fait avancer la réflexion et les prises de positons des organismes de représentation dans le domaine social et économique ainsi que sur les dialogues interreligieux. 

Sur le plan théologique, l’on attrape tout autant le tournis en constatant l’évolution des mentalités et des concepts. Les apports des sciences humaines ont profondément bouleversé le rapport à la théologie. Partout dans l’Europe d’aujourd’hui, les Facultés de théologie ferment au profit de d’Instituts orientés vers l’étude comparée des religions ou les sciences religieuses. Beaucoup de positionnements théologiques se sont profondément redéfinis. Des formulations nouvelles ont parfois ouvert à de nouveaux lieux de dialogue en particulier avec les scientifiques ou les anthropologues.  

Mais le trait le plus saillant de notre époque est la formidable croissance des Eglises dites évangéliques et néo-évangéliques. Leur rapide croissance et leur poids démographique, en particulier, dans les pays émergents, font d’elles aujourd’hui un des acteurs théologiques incontournables de notre époque. Si l’on peut se réjouir qu’une partie d’entre elles adhère à une foi biblique dans laquelle nous nous retrouvons, la grande majorité de ces Eglises a définitivement rompu avec l’héritage calviniste qu’elle remet fortement en cause. La situation est telle qu’aujourd’hui les Eglises réformées veulent davantage valoriser leur héritage et leur façon de comprendre la foi et la Bible. La richesse des manifestations et de la réflexion sur l’héritage calvinien que nous avons vécu partout en France et en Suisse lors de l’année Calvin en 2009, nous en a fourni un exemple concret. 

C’est dans ce contexte inédit pour l’identité réformée mondialisée, qu’il faut aborder la création de la CMER. Un dialogue suivi avec l’ARM avait été engagé depuis 1998, mais s’est accéléré suite à l’assemblée générale du COR à Utrecht en 2005, à laquelle une délégation de nos Eglises avait participé. Il est a noté que durant cette assemblée à Utrecht, le Président de notre ComPer, Antoine Schluchter, avait été nommé au bureau du COR et a participé, par la suite, à plusieurs rencontres du bureau du COR avec les responsables de l’ARM. 

Il est impossible ici de résumer en quelques lignes l’étendue des sujets abordés entre les deux organisations mais un grand travail a été fourni pour décrire la singularité de chacun des deux organismes et comment des lieux communs pouvaient être valorisés. Notons que, du côté du REC, plusieurs aspects ont été mis en avant : l’insistance sur la base doctrinale et aux conditions de son adhésion, la place de la référence aux Ecritures, les positions éthiques, quelle articulation entre une communion confessionnelle et l’appartenance à une entité qui ne place pas la confession mais l’identité en son centre ?, etc. Nous n’allons pas plus en avant sur toutes ces questions importantes car elles seront abordées dans des rapports ultérieurs. 

Quel type d’organisation ? 

Quelques remarques s’imposent ici : 

images-2.jpegD’abord, il faut soulever, que la CMER dans son modèle d’organisation n’est pas stricto sensu l’équivalent de l’unité telle que nous la voyons s’exprimer et s’organiser dans le projet de l’Eglise Protestante Unie de France qui réunira l’Eglise réformée de France et l’Eglise évangélique luthérienne de France à partir de 2013. Le modèle proposé ici est fortement inspiré des modèles anglo-saxon qui s'appuient sur la proclamation d'une similitude de fait tout en posant le principe d’une pluralité choisie. Une des images utilisées a été celle d’un village (l’identité réformée) où chacun habite une maison (l’identité spécifique de chaque Union d’Eglises). Autrement dit, la visée n'est pas premièrement de trouver le plus petit dénominateur commun théologique comme lieu de rassemblement mais de poser d'emblée la référence à une identité, en l’occurrence l'identité réformée. Cette façon de gérer la pluralité permet de constater les différences culturelles et théologiques tout en laissant le soin à chacun de s'associer ou non avec les autres au sein de l’entité en fonction de ses positions théologiques propres. 

Ceci étant dit le fait que la CMER ait choisi le mot « communion » est tout à fait significatif et indique un autre niveau de projet. Un document du CMER l’exprime comme ceci : « Notre compréhension de la ‘communion’ implique notre acceptation mutuelle en tant qu’Églises, l’échange de chaire, le partage de la Sainte Cène, la reconnaissance réciproque des ministères, une responsabilité des uns envers les autres et la recherche commune de l’unité chrétienne ». C’est un des points cruciaux qu’il nous faudra aborder et qui constitue le cœur de la question que nous pose la création de la CMER. Notons que c’est un point autour duquel nous débattons depuis plusieurs années et que nous sommes dans le processus d’aborder, sous son versant pratique, dans notre discussion sur notre projet missionnaire commun. Comment est-il possible pour nous, réformés évangéliques français, d’exprimer notre communion avec l’ensemble des réformés dans le monde, avec les réformés proches de notre sensibilité dans le monde, ensuite, et, enfin, avec toutes les sensibilités réformées en France? Sur cette question, je vous renvoie à l’avis exprimé par Charles Nicolas publié sur le blog (Note « La CMER, une communion ? »). 

Enfin, il sera important pour nous, de reprendre le fil de la réflexion que nous avons entrepris autour de l’adhésion à la Communion Protestante Luthéro-Réformée dans laquelle nous n’avons pas choisi de nous inscrire en mars 2000. Même si les interlocuteurs sont différents et les évolutions notables, il s’agira pour nous de prendre une décision qui exprime une continuité avec les arguments avancés lors de ce débat. Ce point est notamment soulevé par Mlle de Védrines (Note « Une réaction face à la CMER ») également publié sur le blog. 

3. Un aperçu des problématiques qui nous sont posées par la CMER

Fort de tout ce que nous venons de développer, il me semble important de dresser des pistes ayant pour objectif de permettre aux membres de nos Eglises et délégués synodaux d’avoir suffisamment d’éléments pour voter sur le sujet. Nous en listons ici quelques-uns qui pourront faire l’objet des discussions que nous allons avoir lors des synodes en novembre prochain : 

-Il semble essentiel de charger un groupe de travail d’étudier les textes fondateurs de la CMER et d’en proposer une analyse tant sur le plan théologique que pratique aux délégués. Pour des raisons pratiques, il me semble important que ce groupe soit mis sous l’égide de notre Commission des Relations extérieures et missionnaires. 

-Il semble primordial d’encourager tous les membres de nos Eglises à continuer le dialogue entrepris à partir du blog dédié à cette question en invitant chacun à l’agrémenter de ses questions ou réflexions. Ce blog pourrait également permettre d’exposer le travail de la commission chargée d’étudier les textes de référence. Il s’agit de nous imposer la discipline d’un dialogue à la fois externe et interne aux synodes où chacun est écouté et qui nous permettra de rendre compte constructivement de la pluralité des opinions parmi nous.  

- À ce stade, il apparaît également que nous connaissons mal les Eglises qui, comme nous, se posent la question de l’entrée dans la CMER. Entrer dans des dialogues avec certaines d’entre elles nous permettrait d’élargir le champ de notre réflexion et de partager avec d’autres les préoccupations d’ordre théologique ou ecclésiologique que nous portons. Il existe également une autre instance de représentation d’Eglises réformées de type professant avec lesquelles nous pourrions plus amplement avoir des échanges. 

-Ensuite, nous ne pourrons pas faire l’économie d’une réflexion globale sur les évolutions de notre identité spécifique réformée et évangélique au sein du paysage français. Jusqu’ici l’unique détentrice de cette identité était notre Union nationale, mais l’on constate aujourd’hui qu’une plus grande variété de sensibilités réformées évangéliques existe sur le territoire national, notamment par l’apport des Eglises issues des migrations. En ce sens, le statut d’Eglise associée accordé par nos synodes à l’Eglise protestante internationale, qui rassemble des réformés évangéliques originaires du Cameroun, est significatif. Il faut également prendre en compte que nos choix en matière d’appartenance à des entités de représentation internationale auront une conséquence sur l’avenir des dialogues que nous pourrions entreprendre avec d’autres Eglises de sensibilité réformées évangéliques sur notre territoire national. De même, la question de notre appartenance ou non à la CMER risque d’avoir des conséquences sur nos partenariats avec certaines missions qui oeuvrent à nos côtés. 

Pour conclure, je dirais que la question qui nous est posée par la constitution de la CMER va nous permettre, en fait, d’aborder d’une façon positive l’avenir de notre identité dans un contexte où les évolutions sont profondes et les bouleversements multiples. Le défi qui est devant nous c’est d’amorcer un dialogue dont la qualité et la portée de vue nous permettront de nous projeter avec une confiance renouvelée dans l’avenir. C’est dire d’une façon toujours nouvelle d’où nous venons tout en affirmant où nous désirons aller demain car le projet réformé confessant en France n’a, selon moi, pas besoin d’être rénové, ou restauré mais bien d’être recontextualisé.

Jean-Raymond Stauffacher 

 

 

Les commentaires sont fermés.